CHINE (L’Empire du Milieu)

CHINE (L’Empire du Milieu)
CHINE (L’Empire du Milieu)

L’EMPIRE DU MILIEU

L’ASIE ORIENTALE, de civilisation et d’influence chinoises, constitue un ensemble humain et géographique qui est à la fois très vaste et complexe en raison de la diversité de ses populations et de ses conditions naturelles. Elle s’étend depuis l’équateur jusqu’à la taïga sibérienne et depuis le Pacifique jusqu’au cœur du continent asiatique. On trouve des colonies chinoises à Java et en Malaisie comme dans la vallée de l’Amour. Mais les influences exercées par la Chine et celles qu’elle a reçues du dehors au cours de son histoire mettent en cause des espaces beaucoup plus étendus. Dès le Néolithique et les débuts de l’âge du bronze, la vallée inférieure du fleuve Jaune, centre de la civilisation chinoise, a été en relation avec le Proche-Orient, l’Europe orientale, la Sibérie du Baïkal et de l’Ienisseï et sans doute avec l’océan Indien et les côtes occidentales de l’Amérique du Nord. Pendant tout le cours de son histoire, la Chine n’a cessé d’être en rapport avec les grandes civilisations de l’Eurasie: hellénistique, indienne et islamique. Seule l’Europe occidentale est restée à l’écart jusqu’au début du XVIe siècle, si l’on excepte les relations épisodiques qu’elle a établies avec la Mongolie et la Chine au cours de l’époque mongole (XIIIe-XIVe siècle). C’est aussi à partir du XVIe siècle que l’Asie orientale et le continent américain sont entrés en relation. En fin de compte, routes de terre et routes de mer ont permis une circulation des hommes, des plantes, des techniques, des produits, des idées et des institutions sans laquelle l’histoire du monde n’aurait pas été ce qu’elle fut. Aussi bien, c’est en fonction de l’histoire générale de l’humanité que s’explique l’évolution du monde chinois, non pas seulement à l’époque contemporaine, mais dès la diffusion de l’agriculture et de la technique du bronze.

L’histoire des unités politiques qui se sont succédé en Chine au cours des siècles, les événements et les systèmes administratifs nous sont assez bien connus, grâce à une tradition historiographique très précise et très abondante. Mais cette tradition, qui n’intéresse que l’histoire du pouvoir politique et qui, en raison de sa permanence et de ses principes, donne l’apparence trompeuse d’une uniformité continue, masque les transformations les plus importantes: celles des formes politiques et sociales, de l’économie et des techniques. Elle masque aussi la diversité ethnique, culturelle et géographique du monde chinois. La province du Sichuan, aujourd’hui plus étendue que la France et peuplée de plus de 100 millions d’habitants, constitue à elle seule un pays original en raison de ses particularités climatiques, de ses ressources naturelles, de l’histoire de son peuplement, des influences qu’elle a reçues parfois de fort loin et même de son histoire politique très particulière. Encore faudrait-il y distinguer différentes régions, comme il nous semble naturel de le faire dans un pays tel que la France.

À vrai dire, les termes de «chinois» et de «Chine» n’ont pas grand sens si l’on ne précise pas leur acception. Ainsi, le terme «Chine» peut renvoyer à une réalité politique: ensemble, variable au cours des siècles, de territoires soumis à des pouvoirs chinois ou d’origine étrangère mais sinisés, qui le plus souvent ont englobé des populations de cultures diverses. La république populaire de Chine est aujourd’hui un État multinational qui comprend des populations turques, mongoles, toungouses, thai et tibéto-birmanes aussi bien que chinoises. Mais la Chine actuelle ne diffère pas, de ce point de vue, des unités politiques du passé.

On peut considérer aussi que la Chine est l’ensemble des régions où les populations de langue et de culture chinoises, les Han, sont majoritaires, soit, à l’époque contemporaine, les vingt-deux provinces qui s’étendent depuis la vallée de l’Amour jusqu’à la chaîne des plissements himalayens et qui incluent l’île de Formose. Une grande partie de cet espace n’a été que lentement colonisée par les Han depuis les environs de l’an 1000 avant J.-C.

À la fin du Ier millénaire avant notre ère, la diversité ethnique et culturelle de la Chine était beaucoup plus grande que de nos jours, et toute la Chine au sud du Yangzi était encore peuplée par des ethnies dont il ne subsiste plus aujourd’hui que quelques îlots: populations thai parlant des langues apparentées au siamois et au laotien, populations de langues tibéto-birmanes, Miao et Yao, ou encore «malayo-polynésiennes».

Mais il existe aussi une Chine «extérieure», car les populations de langue et de culture chinoises débordent le cadre politique de la Chine: il existe en Asie du Sud-Est des colonies chinoises très actives et très influentes; Singapour, Penang en Malaisie, Cholon au Vietnam sont des villes chinoises. Tout au long de l’histoire, les colonies chinoises ont joué un rôle important dans les rapports de la Chine avec les régions limitrophes et les pays d’outre-mer.

On peut considérer enfin qu’il existe, de façon plus large, une aire de civilisation chinoise. L’inclusion dans l’espace politique chinois d’une partie de la Corée pendant quatre siècles, celle du Vietnam pendant un millénaire, l’importance des relations de la Chine avec ces deux pays ainsi qu’avec le Japon, la prépondérance politique et culturelle de la Chine en Asie orientale expliquent que l’influence de la civilisation chinoise ait débordé les limites des pays proprement chinois. Si le Vietnam, la Corée et le Japon sont des pays de civilisation chinoise, la Mongolie, l’Asie centrale, le Tibet et l’Asie du Sud-Est ont été aussi fortement influencés par la Chine.

La civilisation chinoise, elle-même synthèse de cultures différentes à chaque époque de son évolution, ne peut être isolée des cultures avec lesquelles elle n’a cessé d’être en contact tout au long de l’histoire: celles des nomades éleveurs de la zone des steppes qui parlent des langues altaïques (turques, mongoles ou toungouses), des montagnards des confins sino-tibétains, des pêcheurs du bas Yangzi et des côtes du Sud, des populations non chinoises de la Chine du Sud et du Sud-Ouest et, enfin, des peuples sédentaires des oasis de l’Asie centrale. De même, l’histoire des unités politiques chinoises est inséparable de celle des régions voisines (Corée, Japon, Mongolie, Tibet, Vietnam) ou plus lointaines (Inde, Iran, Asie du Sud-Est) avec lesquelles les influences ont été réciproques.

L’Asie de civilisation chinoise possède certains caractères spécifiques qui la distinguent des autres aires de civilisation. Ses conditions naturelles (richesse extrême de la flore, abondance du bambou dont les emplois sont d’une très grande diversité, régime des moussons qui favorise la navigation au long cours, depuis le Japon jusqu’à l’océan Indien, etc.), ses types humains à dominante mongoloïde, ses langues isolantes qui se rattachent au groupe complexe et étendu des langues sino-tibétaines, ses caractéristiques technologiques (modes de portage et autres particularités des techniques du corps, constructions à piliers portants, damage de la terre, absence de la vis, présence du pédalier et de la courroie de transmission) contribuent à cette spécificité également dans le domaine des traditions politiques, sociales, religieuses et esthétiques. L’Asie orientale de civilisation chinoise, parfois associée au monde indien, en est ce-pendant profondément différente. À l’amour du concret et du cas particulier, au sens de l’histoire, de même qu’à la précision et à la concision chinoises s’opposent le raffinement des analyses théoriques, le goût des classifications et des longs développements littéraires, les tendances mystiques et les aptitudes aux spéculations métaphysiques, propres au monde de civilisation indienne. Au lieu d’une logique fondée sur les mécanismes du langage, comme l’est celle des Grecs et des Indiens, les Chinois ont développé une logique fondée sur le maniement de symboles graphiques.

Mais le monde chinois se distingue surtout par des formes politiques et sociales particulières qui ont joué un rôle capital dans son évolution: l’importance à partir du IVe siècle avant notre ère d’une organisation étatique centralisée qui s’est efforcée de maintenir les groupements humains au niveau de petites unités villageoises, l’absence d’autonomie urbaine, la prédominance de l’État au cours de l’histoire, malgré ses affaiblissements temporaires, ont eu une influence profonde dans tous les domaines: économie, société, vie religieuse, philosophie, arts, sciences et techniques. La permanence d’un État centralisé, qui s’est adapté au cours des siècles aux transformations de l’économie et de la société, explique à la fois l’étendue des empires, leur relative stabilité et l’unification progressive du monde chinois.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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